O toi, doux régicide !
Cher argent de divorce entre le fils et le père !
Traite en rebelle l’humanité, ton esclave,
et par ta vertu jette-la dans un chaos de discordes,
en sorte que les bêtes puissent avoir l’empire du Monde !
TIMON D’ATHÈNES / W. SHAKESPEARE
DEUX PIÈCES DE SHAKESPEARE, UN ESSAI DE DAVID GRAEBER SUR LA DETTE & JOUER AVEC TOUT ÇA !
Après notre premier spectacle L’Assommoir d’après Émile Zola, le Collectif OS’O et moi-même avons souhaité poursuivre notre collaboration artistique en créant une histoire à partir de trois grands textes.
Deux pièces de Shakespeare : Titus Andronicus, son oeuvre de jeunesse et Timon d’Athènes, l’une de ses dernières, donnent le cadre dramatique dans lequel les comédiens évoluent. Les quatre membres de la famille Barthelôt (Anne-Prudence, Camille-Clément, Bénédicte-Constance et Marie) viennent de perdre leur père, souffrant depuis deux ans. Ils se réunissent dans le château familial pour ouvrir le testament. La joie des retrouvailles est très vite mise au second plan quand arrivent Léonard et Lorraine Marchand, fils et fille cachés dont l’existence ignorée vient perturber les traditions et les codes de cette famille. Ils sont accompagnés du mystérieux Milos, qui ne répond aux questions que par des citations de Shakespeare et prétend être l’ami de Lorraine… Peu à peu, nous découvrons à travers la rencontre des deux familles qui était ce père, tantôt tortionnaire, obligeant par la force ses enfants à apprendre par coeur la pièce Timon d’Athènes, tantôt aimant et affable, d’une incommensurable bonté. Mais bientôt il est l’heure d’ouvrir le testament. Qui mérite de se partager le château ?
Au cours de la soirée, les conflits personnels se découvrent de plus en plus. On assiste alors à une explosion d’une extrême violence.
L’histoire de famille est construite en analogie avec les histoires de Titus Andronicus et Timon d’Athènes. Shakespeare y est partout présent, parfois directement cité, parfois dissimulé. Chaque membre de la famille est affilié à un ou plusieurs personnages des pièces de Shakespeare. Ces deux histoires offrent chacune un point de vue sur la dette : dette de corps dans l’une, dette d’argent dans l’autre.
À cela s’ajoute un troisième texte, l’ouvrage de l’anthropologue américain David Graeber, sur l’histoire de la dette, Dette 5000 ans d’histoire (ed. Les liens qui libèrent) qui dénonce les théories actuelles d’argent et de crédit, en expliquant notamment l’évolution du terme «dette» et demande un effacement total de la dette globale.
La dramaturgie du spectacle fait alterner des débats politiques autour des réflexions de Graeber avec les différentes histoires qui composent la fable familiale. Durant ces parlements, des personnages aux positionnements forts et contradictoires débattent et donnent du volume à la saga familiale, la mettent en relief et créent un effet d’aller-retour entre histoire intime et histoire politique.
DAVID CZESIENSKI
20 décembre 2014