Note d'intention
« Samsara » est un terme sanskrit signifiant « ensemble de ce qui circule » ou « transmigration » en tibétain. Dans le bouddhisme, le « samsara » désigne le cycle des existences conditionnées successives, soumises à la souffrance, à l'attachement et à l'ignorance. C'est le cycle de renaissance dans lequel sont pris les êtres non éveillés. Ce cycle est sans commencement dans le temps, il se perpétue par l'accumulation du karma couplée à la soif d'existence, et s'achève pour chaque être dès que celui-ci parvient à atteindre l’éveil pour ensuite ne faire plus qu’Un avec le nirvana, la paix éternelle.
Les hommes naissent, meurent et renaissent sans cesse dans ce cycle infini tant que la lumière de la conscience ne se sera pas éveillée en eux. Enchaîné au « samsara », duquel il ne peut s'échapper, l'homme connait bien des moments de plaisirs mais ceux-ci ne sont qu'éphémères, car chaque naissance dans le monde matériel se traduit inévitablement par l’impermanence de tout phénomène : l’expérimentation de la vieillesse, de la maladie, de la perte et de la mort. La condition dans laquelle on renaît dépend de nos vies passées et de nos actes présents, c’est la loi universelle de la cause et de ses effets appelée karma. Une pratique spirituelle pure, quelle qu’elle soit, a pour unique objectif de mener à l'état de cessation de cette souffrance universelle, et à se libérer ainsi du cycle de vie.
L’ignorance et l’attachement à nos désirs incontrôlés sont les principales causes qui nous empêchent de nous élever spirituellement et nous maintiennent alors enchaînés à ce cycle de souffrance. Mon intention est de rendre cette vision du monde et de la vie manifeste en la symbolisant par un enchevêtrement de longues chaînes métalliques dans lesquelles les danseurs se retrouvent emmêlés, attachés les uns aux autre et soumis à une « machine » qui les dépasse, les surplombe et relance sans cesse un nouveau cycle de vie. Toute l’écriture chorégraphique s’articulera autour d’un objet scénographique central, une « toile d’araignée » géante dans laquelle sont emprisonnés les corps. Ce processus de création dans la contrainte est une habitude dans mon travail et je souhaite ici rendre cette contrainte matérielle, afin de prendre le contrepoint sur cette réalité invisible à l’oeil nu. Il n’existe pas de forme unique et limitée de cette vérité, à chacun d’interpréter sa condition humaine à sa façon et de renouer avec sa part spirituelle, l’enjeu dramaturgique est de parvenir à trouver les codes de cette incroyable énigme qu’est la vie afin de dénouer les chaînes pour en libérer les êtres.
JANN GALLOIS