Elle est pharmacienne, mère de deux fils, catholique, issue d'une petite bourgeoisie provinciale. Au début des années 2010, elle et sa famille vont glisser. Peu à peu, par l'intermédiaire de son mari, elle rencontre et fréquente des catholiques traditionalistes, dont le discours radical semble l'attirer. Par souci d'intégration et d'élévation sociale, elle en vient à se rendre plus assidument à la messe, à manifester contre des spectacles blasphématoires, à s'engager dans des groupes anti-avortement ou anti-mariage homo. Elle s'épanouira dans ce militantisme, s'y métamorphosera en tant que femme, tentera d'embrigader ses proches et ses enfants dans ce qu'elle considère comme l'aventure la plus excitante de sa vie.Sur scène, elle se raconte et se confie. Nous parle.
Ce spectacle prendra la forme d’un monologue féminin, accompagné et soutenu par la présence d’un très jeune musicien. Comme à mon habitude, je souhaite appuyer, compléter le sens de l’oeuvre par la sensibilité d’une écriture musicale.
J’ai rencontré Marine Bachelot Nguyen en juin 2011 lors d’une performance avec la compagnie Dérézo. Il s’agissait, pour une équipe constituée au hasard d’un tirage au sort (1 auteur, 1 metteur en scène, 1 comédien), de réaliser en 24 heures un spectacle. J’ai beaucoup apprécié l’écriture dynamique de Marine.
Lorsque j’ai éprouvé le désir de mettre en chantier un travail autour des thématiques que je développerai ci-dessous, c’est très instinctivement que j’ai pensé à associer Marine à l’écriture. J’aime son militantisme et son écriture engagée.
Dans la droite lignée de la complicité qui me lie à André Markowicz depuis 10 ans autour de la mise en scène de ses traductions des pièces du répertoire, je souhaite désormais m’associer à un auteur en co-écriture. Je veux pouvoir dialoguer à chaque étape de travail, chaque noeud dramaturgique. Marine Bachelot Nguyen sera présente aux répétitions ; elle m’accompagnera sur la dramaturgie, pourra réécrire si besoin quelques détails, accompagner la comédienne dans l’orientation esthétique de son interprétation.
Le sujet de la pièce me tient à coeur depuis très longtemps. C’est celui de la dérive. Comment de cercle d’amis en cercle d’amis une personne peut dévier de son chemin, de ses idéologies politiques et morales premières. Et ainsi devenir quelqu’un d’autre. Je trouve cette notion de glissement de terrain très intéressante à porter sur un plateau.
Deux évènements ont déclenché en moi la nécessité de travailler sur ce sujet aujourd’hui :
- le jour où il m’a fallu présenter une pièce d’identité pour aller récupérer ma fille à l’école maternelle en face du TNB car la rue était bloquée à cause des manifestations de Civitas à l’occasion des représentations du spectacle de Roméo Castellucci Sur le concept du visage du fils de Dieu.
- le suicide en juin 2014 de Peter, jeune gay, membre de l’association Le Refuge.
Après des années à mettre en scène des oeuvres du répertoire, j’ai ressenti l’urgence de parler des clivages qui sous-tendent notre société, de toutes ces haines qui deviennent ordinaires.
Au départ, je souhaitais travailler une adaptation du Bouc de Fassbinder (traitant du racisme dans une petite communauté) en y intégrant le monologue de cette femme modérée qui, par ses fréquentations, devient une militante très active pour La manif pour tous. C’est ainsi que nous avons commencé le travail de documentation et d’imprégnation du sujet avec Marine Bachelot Nguyen. Puis la nécessité de faire de ce monologue un spectacle à part entière s’est imposée à moi.
David Gauchard