Le marché de Jacques Jouet
Est-ce que nous pouvons compter sur votre joignabilité / Vous souhaitez-vous fidélisable en tant que capital humain ? / Qu’est-ce qu’il est souhaitable de réussi sur le marché ? / Qu’est-ce qui impacte négativement les performances et la rentabilité ? / Qui dit que l’entreprise est utile ? / Pourquoi est-ce que je continue avec vous plutôt que d’embaucher une machine ? / … Des dialogues en questions - réponses …
L’intérimaire de Rémi de Vos
Où il est question d’un intérimaire, d’un contrat à durée indéterminée, d’une responsable du secteur expédition ; de quelques cartons de cadeaux de noël ; où il est question de pointeuse et d’employés avançant à grande vitesse ou au ralenti ; où il est question d’une séance de méditation de groupe au petit matin dans l’entreprise ; où il est question de Karl Marx et d’Annie Cordy…
L’augmentation de Georges Perec
Pour obtenir une augmentation (de salaire), il y a un chemin à parcourir. Il faut que : la secrétaire du chef de service soit là, qu’elle soit de bonne humeur, que le chef de service soit là ; qu’il entende quand on frappe, qu’il dise d’entrer, que proposant ou non un siège, il écoute, qu’il se laisse convaincre, qu’il concède l’augmentation. Du moins qu’il en parle à son chef de service.
Dire ce qui fut et inventer ce qui sera (mais pas que)
Quand parler du « travail » (celui adjoint systématiquement à Sisyphe, malheureux supplicié à l’éternel labeur), quand parler du travail tient au ventre...
Est-ce un goût de l’espace du bureau ou de l’usine, comme un plaisir esthétique (goût qui entraîne vers les photographes Lars Tunbjörk ou Henri Cartier-Bresson, quand il photographie les chaînes chez IBM, en peinture vers Caillebotte ou Courbet - on peignait plus le travail au XIXe siècle qu’au XXIe -) ?
Est-ce le seul sens possible à ma lutte pour l’humain, fondement de mon propre labeur ? Est-ce la résolution en acte de la phrase - toujours répétée - de Don Juan : « il faut faire et non pas dire », se déclinant en « je suis ce que je fais », et se faisant fondre « faire » dans « être », et réciproquement ? Est-ce lié à une conscience intime de classe ? Une nécessité toujours de revenir à l’origine ? Le fait est que j’y reviens toujours. Comme je reviens aux élisabéthains ou aux corps torturés des êtres.
Revenir à un désir en se demandant toujours ce qui fait maintenant la nécessité absolue de créer : le rire - parler du monde toujours mais enfin en riant, - après des moments éprouvants où harcèlement sexuel flirtait avec folie dans l’épisode Lenz, où fraternité, égalité et liberté étaient avouées en berne dans les épisodes On aura tout et Veillée de l’humanité - ; le goût du jeu, c’est-à-dire cet esprit joueur qui fait construire des systèmes - depuis Embouteillage jusqu’à Roméo et Juliette ; l’équipe resserrée et recréée (retrouver Anne Girouard et Olivier Dutilloy ensemble sur le plateau) ; évidemment la lutte, puisque le théâtre, c’est bien connu, est outil de révolution (je t’aime Révolution tu es ma folie positive, tu es ma poésie active, écrit presque en ces termes Jean Sénac) et bien sûr , on l’a vu, le thème du travail. Ingrédients réunis.
Donc recette : pour les deux comédiens auxquels s’adjoindra un troisième, commander un texte à un auteur joueur, un oulipien, ou autre animal amateur de mots, et penseur du monde ; commander un texte dont le cadre sera l’entreprise - car on gardera l’usine pour l’adaptation prochaine pour le plateau, du roman d’Arno Bertina Des châteaux qui brûlent - ; et pour s’amuser à construire et attiser le charbon brûlant qu’est l’esprit du programmateur qui cherche toujours à étonner, à ravir le spectateur et l’entraîner dans des aventures ludiques : joindre à cette commande made in 2020, deux pièces à succès (!) L’Augmentation de Perec (made in 1968) et L’Intérimaire (made in 1995). Ainsi on se retrouvera face à un « appareil » composé de trois éléments traitants, par le rire, du travail en entreprise. « Triptyque Entreprise ». Ou comment être de son temps, en faisant oeuvre de
Développement durable par cette incorporation de deux épisodes (joués en « décentralisation » dans un dispositif scénique léger) importants de la vie de la compagnie - importants par ce qu’on a pu vivre avec les spectateurs lors des représentations - et en faisant oeuvre de création par cette écriture du moment, interrogation du travail et du secteur tertiaire, posée à l’aune de deux textes qui ont aujourd’hui respectivement et respectueusement 50 ans et 20 ans. Et finalement jouer en inventant des déclinaisons. Ainsi :