Composée de neuf monologues de différentes générations de femmes, la pièce nous plonge dans des récits de vie qui résonnent entre eux. Avec une distribution entièrement féminine, Matthieu Roy aborde avec délicatesse le rapport à l’intime et au corps sans cesse perturbé par les interactions sociales. Le metteur en scène nous donne à entendre la langue originelle de la pièce, le roumain, traduit simultanément en français. Bruce Clarke, plasticien, composera des oeuvres empreintes de ces témoignages qui évolueront sous notre regard.
Le texte de Mihaela Michailov nous plonge dans des récits de vie troublants de vérité. L’autrice dresse le portrait de différentes femmes qui dessinent autant de parcours de vie : de la Vierge Marie, à l’exilée roumaine partie travailler à l’étranger en passant par la mère célibataire qui élève seule son enfant, ou encore à travers les aveux poignants de celle qui ne voulait pas avoir d’enfants, et pour finalement se terminer avec l’ainée atteinte d’Alzheimer qui ne reconnaît plus sa fille. Si chacun de ces récits conserve sa propre autonomie narrative, la lecture de l’ensemble révèle des motifs qui résonnent entre chaque parcours singulier de ces filles devenues mères et bien souvent grand-mères.
Cette question de la transmission - voulue ou induite, subie ou choisie - a guidé Mihaela Michailov dans son acte d’écriture : Peut-on se réaliser en tant que femme sans devenir mère, sans transmettre la vie ? Quelle liberté une femme peut-elle s’octroyer dans un monde dirigé par des hommes ? Comment les femmes entre elles se soutiennent-elles ou non dans ce processus d’émancipation ?
L’autrice porte un regard subtil sur un sujet délicat, en nous faisant tour à tour entendre la détresse ou l’espoir de ces femmes mais surtout les tabous qui continuent à hanter nos sociétés modernes : le viol, l’avortement, l’absence de désir d’enfant, la maternité comme forme d’émancipation, l’échec de la transmission...
Dans son geste de mise en scène, Matthieu Roy a décidé de travailler sur ces tableaux qui se superposent au sens propre du terme en invitant le plasticien Bruce Clarke à penser et à réaliser avec lui l’installation scénographique dans laquelle évolueront les trois comédiennes. Bruce Clarke mettra au service de la pièce sa recherche plastique autour de l’intime et du politique en créant des oeuvres originales pour le plateau qui seront pensées pour prendre vie et corps avec les comédiennes et évoluer sous le regard du spectateur.
Matthieu Roy souhaite avec ce spectacle relever le défi de proposer une esthétique visuelle forte et exigeante avec un dispositif indépendant en lumière, son et machinerie qui permettra de présenter l’oeuvre sur des plateaux de théâtre mais également dans des lieux non équipés pour aller à la rencontre de nouveaux publics.
Au-delà de l’oeuvre théâtrale, ces publics découvriront également le travail de Bruce Clarke. Ce spectacle permettra d’établir une passerelle avec l’art contemporain. Le théâtre et le processus d’identification qu’il génère, spécialement sur des thématiques si universelles, sera une porte d’entrée pour des publics non-initiés. Une médiation autour de la démarche d’artiste engagé de Bruce Clarke sera pensée conjointement avec la tournée du spectacle.
Avec la création de Ce Silence entre nous, la compagnie Veilleur® souhaite faire découvrir l’univers singulier d’une autrice roumaine autour d’une thématique qui n’occupe pas toujours sa juste place sur les plateaux de théâtre, et en raisonnance avec la force poétique et politique de l’oeuvre de Bruce Clarke.