Stage improvisation à deux têtes
Avec Pep Garrigues et Alexandre Le Nours
novembre / décembre 2023
IMPROVISATIONS À DEUX TÊTES
ou comment le théâtre et la danse entrent en résonance dans l’écriture scénique.
De la 4ème de couverture de Libé aux peintures de Velasquez au musée du Prado, des photos de famille argentiques aux caricatures de Montmartre, le portrait est la représentation d’une personne la plus répandue et la plus fiable. Est-elle forcément ressemblante ? Non. L’artiste choisit toujours un angle, un cadre, un format, il façonne par son regard les contours d’un visage ou les détails d’une personnalité.
Le portrait est surtout, à travers les siècles, la forme la plus transversale de l’art. Qu’il soit pictural, photographique, littéraire, musical, cinématographique, le portrait offre au modèle une version transposée de lui-même à un moment donné de son existence, elle le fige dans le temps et l’espace.
Nous voulons citer ici Nan Goldin qui dans son incessant travail de photographier les gens qui l’entourent, arrive à toucher à l’universel, à déployer un paysage d’images intimes et jamais neutres, à rendre compte de valeurs humaines difficilement perceptibles telles que la solidarité, la fête, la défonce, l’amour des amis (la famille choisie), la mort des amis, le deuil de sa propre famille. Elle dit : « mon travail consiste à lutter contre l’enjolivement du passé ». Ce n’est donc pas la nostalgie qui l’anime (laisser une trace) mais plutôt la vérité toute crue du temps présent.
Lucian Freud peint dans ses portraits la chair qui s’affaisse, l’imperfection violacée de la peau, le creusement des rides, l’expression angoissée du visage, du corps nu posé là, plein cadre, sans défense ni désir.
Dans son spectacle Adishatz, Jonathan Capdevielle convoque sa famille par le biais de sa voix en tant qu’imitateur ventriloque, devenant tour à tour son père, sa sœur, sa meilleure amie.
Loin des images de ballet classique, Pina Bausch dresse le portrait de femmes en robes de soirée et d’hommes en costumes de ville dans des « rondes » pures et simples (somme de petits gestes repris par tous) ou la théâtralité est sans cesse questionnée.
Nous posons à notre tour cette question convergente : que serait un portrait en mouvement et en récit ? Nous avons envie de convoquer la parole et le corps tout entier. Quel personnage peut naître ? Quelle fiction ? Quelle part manquante ?
Nous avons envie d’inventer un espace ou le théâtre et la danse ne seraient pas juste complémentaires mais intrinsèquement liés par le désir de l’interprète.
Nous passerons nos journées à improviser et à refaire.
Nous écouterons la musique très fort et nous soulèverons la joie de pouvoir traverser le plateau sur Tchaikovski, lancer les bras et les jambes sur Moderat, rouler par terre et prendre appui au sol sur Tamino ou enrouler la colonne sur Bjork. Nous rendrons nos corps disponibles à la physicalité de nos volontés. Nous découvrirons le corps en mouvement, ses forces, ses appuis, son intelligence et ses limites. Grâce à l’improvisation et à la méthode REPÈRE, nous collecterons des outils pour faciliter la scénarisation de notre imaginaire : comment conduire un récit ? Comment élaborer un dialogue ? Comment écrire une partition dansée ? Comment intégrer des éléments abstraits pour nourrir un récit concret ?
Nous travaillerons à révéler notre part poétique et notre soin du détail. Hâte de vous rencontrer.
Alexandre Le Nours et Pep Garrigues juin 2023