TEXTE PUBLIÉ SUR FACEBOOK AU LENDEMAIN DES ATTENTATS DU 13 NOVEMBRE 2015 :
“Vendredi soir vous avez volé la vie d’un être d’exception, l’amour de ma vie, la mère de mon fils mais vous n’aurez pas ma haine. Je ne sais pas qui vous êtes et je ne veux pas le savoir, vous êtes des âmes mortes. Si ce Dieu pour lequel vous tuez aveuglément nous a fait à son image, chaque balle dans le corps de ma femme aura été une blessure dans son coeur.
Alors non je ne vous ferai pas ce cadeau de vous haïr. Vous l’avez bien cherché pourtant mais répondre à la haine par la colère ce serait céder à la même ignorance qui a fait de vous ce que vous êtes. Vous voulez que j’aie peur, que je regarde mes concitoyens avec un oeil méfiant, que je sacrifie ma liberté pour la sécurité. Perdu. Même joueur joue encore.
Je l’ai vue ce matin. Enfin, après des nuits et des jours d’attente. Elle était aussi belle que lorsqu’elle est partie ce vendredi soir, aussi belle que lorsque j’en suis tombé éperdument amoureux il y a plus de 12 ans. Bien sûr je suis dévasté par le chagrin, je vous concède cette petite victoire, mais elle sera de courte durée. Je sais qu’elle nous accompagnera chaque jour et que nous nous retrouverons dans ce paradis des âmes libres auquel vous n’aurez jamais accès.
Nous sommes deux, mon fils et moi, mais nous sommes plus fort que toutes les armées du monde. Je n’ai d’ailleurs pas plus de temps à vous consacrer, je dois rejoindre Melvil qui se réveille de sa sieste. Il a 17 mois à peine, il va manger son goûter comme tous les jours, puis nous allons jouer comme tous les jours et toute sa vie ce petit garçon vous fera l’affront d’être heureux et libre. Car non, vous n’aurez pas sa haine non plus.”
Antoine Leiris
NOTE D’INTENTION DU METTEUR EN SCÈNE
Porter à la scène les mots d'Antoine Leiris.
Ne pas chercher le spectaculaire. Mais ne pas se priver non plus des outils propres au théâtre afin de mettre en voix et en espace ce témoignage précieux.
Que faire face à la réalité et la violence de ce monde ?
Avec pudeur, délicatesse et générosité. Faire entendre une parole de vie, d'amour et d'espoir.
Le texte sera porté par un acteur qui « n’incarnera » surtout pas l'auteur mais se fera plutôt le transmetteur d'un témoignage. Avec sa vitalité, sa délicatesse et même sa légèreté.
Nous sommes, public, les témoins de cette réflexion. Avec une bienveillance à notre égard, entre le souffle de vie et la pudeur. Le texte, ni le spectacle ne cherchent l’émotion. C’est un moment de vie partagé que j’ai essayé de mettre en scène par des respirations, des ellipses et des ruptures. J'ai le sentiment très fort que ce texte a sa place au théâtre, qu'il y a du sens à proposer de se réunir, ensemble, pour entendre ces mots.
Le texte résonne avec une force particulière.
Au fond il s’agit d’une prise de parole en direct et en public. Cela s’adresse directement à nous. Le personnage essaye de faire le point avec nous, devant nous. Il essaye d’avancer, il se sert de nous pour avancer. C’est un combat intérieur.
A partir de quelques éléments sur le plateau, des espaces se créeront grâce à la lumière, nous suivrons sa pensée par bribes. Il sera accompagné d'une présence féminine au piano jouant une musique originale, apportant des respirations, des ruptures et soutenant les ellipses. La vidéo permettra aussi de souligner le côté chronique de ce texte.
Nous sommes au coeur de l’humain, et le théâtre est le lieu privilégié pour se réunir et entendre ses mots.
Benjamin Guillard
A noter, au Foyer des coopérateurs du Théâtre de l'Union, en entrée libre dans la limite des places disponibles :
> jeudi 5 déc., à l'issue de la représentation, rencontre avec l'équipe artistique