Sage et responsable, Marie est une petite fille à qui on peut faire confiance. Jeanne est une mère aimante mais avalée par son métier d’infirmière et par les difficultés de la vie quotidienne. Chaque semaine Marie va rendre visite à Louise, sa grand-mère, qui habite de l’autre côté de la Cité-Fauré. Chaque semaine Jeanne recommande bien à sa fille de prendre le chemin qui contourne la Cité-« Forêt ». Mais la mort de Louise va venir bouleverser la vie de Jeanne et Marie et pousser cette dernière à entrer dans la Cité comme on entre dans le vaste monde...
Explorant le délicat chemin de l’émancipation, La Petite Fille qui disait non est un conte d’aujourd’hui qui parle de deuil et de désobéissance, de comment on grandit quand on est enfant et aussi quand on
est adulte... C’est un conte initiatique, une histoire d’amour et de transmission entre une petite fille, sa mère et sa grand-mère, un rite de passage entre trois générations de femmes. Et c’est une histoire de loup, de petite fille perdue dans la forêt du monde et de galettes à dévorer.
« Moi ce que j’aime avec Louise c’est qu’on peut se parler de tout. On se dit des choses importantes. Des choses de la vie et de la mort. Les autres adultes font toujours des manières, comme si on ne pouvait pas comprendre. Ils font comme si ils détenaient tout un tas de secrets. Ils prennent des airs mystérieux et disent : « Tu comprendras plus tard ». Louise dit que ça n’existe pas, plus tard, qu’il ne faut pas croire qu’il y a un âge où soudain tout s’éclaircit, où on comprend tout soudain comme par magie. Louise dit que dans le fond les adultes sont juste des enfants qui ont grandi trop vite. Si c’est ça, c’est vraiment pas la peine de faire toutes ces manières. »
Univers scénique
L’univers scénique entremêle le réel (le quotidien de la mère, la cuisine) et le rêve (les ombres de la Cité- «Forêt», la neige, les apparitions de la grand-mère). La scène est séparée en deux par un tulle permettant des jeux d’apparitions et de disparitions, support de projection d’images (arrêtées ou vidéo), faisant vivre au second plan l’univers imaginaire et fantasmagorique de la petite fille et les fantômes qui hantent sa mère. Peu à peu le réel si bien cadré de Jeanne, la mère de la petite fille, glisse et lui échappe, le carrelage de la cuisine se déforme et devient gigantesque, la neige recouvre tout, le sol de plus en plus accidenté fait chuter les corps... L’univers révèle son envers, les peurs maternelles, les rêves enfantins et les fantômes bienveillants •
Références
Yvonne Verdier, Grands-mères, si vous saviez... : Le Petit Chaperon rouge dans la tradition orale, 1978
« [...] Qu’est donc venue faire cette petite fille chez sa grand-mère ? Conquérir sa féminité, connaître les lois de son destin ? Notre conte traiterait-il donc, en somme, le thème de l’initiation ? Voyons de plus près quel est le parcours, quels sont les lieux. La petite fille se rend dans une maison située au fond des bois au bout d’un chemin, elle en ressort le plus souvent saine et sauve après y avoir accompli un certain nombre de choses : cuisiné, mangé (sa grand-mère), dormi (couché) avec le loup. [...] Le séjour dans la petite maison de la grand-mère présente donc toutes les caractéristiques d’un séjour initiatique comme en témoigne la façon dont on entre et sort de la maison : entrée vécue comme une mort, sortie comme une renaissance symbolique. Dans la maison, la petite fille est instruite de son avenir féminin, et lui sont transmises les facultés génésiques de sa grand-mère. [...] Si elle a « vu » le loup, on ne peut plus s’en tenir à la morale qui se dégage de la version écrite par Perrault: le destin féminin dont nous parle la tradition orale du conte est loin de se jouer avec le loup comme unique partenaire. [...] Sans négliger le rôle du loup comme référent constant, on peut en effet légitimement opposer l’insistance des versions orales de notre conte sur les fonctions féminines [...] Soit donc un conte centré sur les relations d’intime transmission entre une petite fille et sa mère-grand, au conte de Perrault qui, lui, privilégie les relations de séduction entre le loup et la petite fille » •