« Raymond Devos, Mesdames et Messieurs, est un miracle qui est apparu, singulier, sur la scène du music-hall français. Il ne ressemblait à personne. Personne, plus jamais, ne lui ressemblera. C’est comme ça. Il faut se faire une raison. Même si on n’est pas obligé… de se faire une raison. Il est plus opportun en évoquant Devos de se faire une folie. Un grain de folie capable d’enrayer la mécanique bien huilée de la logique, de la réalité, du quotidien.
Ceux qui l’ont vu s’en souviennent : Raymond Devos fut un phénomène rare. Comme les arcs-en-ciel de feu circulaire, comme les colonnes de lumière, comme les vents d’incendie, comme les nuages lenticulaires, il a surgi, miraculeux et mystérieux, derrière un rideau rouge qui s’ouvrait sur l’imaginaire. On n’avait jamais vu ça ! Et, devant cet homme en apesanteur, on avait le souffle coupé. »
François Morel
J'ai vu Raymond Devos plusieurs fois sur scène, à Caen notamment où j'avais compris qu'à l'entracte personne ne contrôlait pour le retour en salle, ce qui m'avait permis alors de voir le spectacle une fois en entier et trois fois la deuxième partie!
Je l'ai croisé ensuite, notamment à France Inter. J'avais écrit une chronique qu'il m'avait demandé de venir redire à la télé, à l'occasion de ses 80 ans.
"J'ai des doutes" est né d'une demande, celle de Jeanine Roze qui organise Les Concerts du dimanche matin au Théâtre des Champs-Elysées et qui voulait rendre hommage à Raymond Devos à l'occasion des 10 ans de sa mort. Je me souvenais que Jeanine avait sollicité Jean Rochefort il y a quelques années pour qu'il réinterprète les sketchs de Fernand Raynaud, (le résultat était inattendu, émouvant, fameux!), j'ai trouvé que j'étais en bonne compagnie...
Je ne me sens, hélas, pas faire partie des clowns qui savent tout faire car mes compétences sont bien moins nombreuses que mes incompétences. Je suis trop maladroit pour jongler avec autre chose qu'avec des mots; si je sais que le rire est souvent une question de rythme et de musicalité, je n'ai jamais eu la patience d'apprendre à jouer d'un instrument de musique... Trenet, Devos sont des références pour moi mais j'en ai tant d'autres, je n'ai jamais été avare de mon admiration. Plus que les humoristes professionnels, j'aime l'humour.
Sur scène, j'imagine la rencontre entre Dieu et Devos qui l'un et l'autre ont créé des univers... Je dis des textes, j'en chante certains que mon indispensable et furieux complice, Antoine Sahler a eu la bonne idée de mettre en musique, je tente d'enfoncer des clous, j'écoute Raymond, je joue Devos, je tente de rendre compte de ses idées fixes, de ses obsessions, j'interprète Fernando Sor, mais pas à la guitare.
Ce sera un spectacle avec des numéros, ce ne sera pas une pièce de théâtre mais un récital avec comédien et pianiste.
Ce qui me rend heureux sur scène, c'est jouer avec un public, m'amuser, inventer, me sentir libre. Ce qui me plait chez Devos, c'est sa capacité à nous entrainer vers l'imaginaire, à ouvrir des portes, des fenêtres, à nous permettre de nous échapper de la réalité, du quotidien, de la tristesse, à nous rendre plus sensible, plus léger. Oserais-je dire plus heureux?
François Morel