Note d'intention de Léo Cohen-Paperman, Emilien Diard-Detœuf et Julien Romelard
Le collectif du Nouveau Théâtre Populaire, créé en 2009, commence un cycle de travail sur l’œuvre et la figure de Molière. Ce cycle aboutira à la création de trois pièces : Le Tartuffe, Dom Juan et Psyché. Ces trois pièces, entrecoupées chacune d’entractes théâtro-radiophoniques, constitueront un chemin de pensée et d’esthétique.
Pourquoi ces trois pièces ?
Avec Le Tartuffe, Dom Juan et Psyché, Molière pose la question du rapport, intime et politique, que chacun entretient avec sa foi (ou son absence de foi). Dans Le Tartuffe, l’intégrisme religieux est la conséquence d’une foi fragile. Dans Dom Juan, Dieu répond au blasphème par le silence, et abandonne le blasphémateur à sa condition d’homme. Enfin, dans Psyché, l’amour sauve l’Homme devenu l’égal de Dieu. Le XVIIe siècle de Molière et de Louis XIV levait des yeux inquiets vers le ciel. Le monde, avec les chocs successifs de la Réforme, de la révolution galiléenne et de la Contre-Réforme, avait basculé. C’est peut-être au moment où sa remise en cause éclate au grand jour que la foi s’exprime de la façon la plus pressante.
Intégrismes religieux, hubris technologique et eschatologie climatique : notre époque aussi cherche une transcendance, sans toujours la nommer. Notre siècle aussi lève des yeux inquiets vers le ciel. Et Molière éclaire, d’une lumière à la fois élégante et crue, ces questions. Dieu se joue des mortels, les mortels sont trahis par Dieu, et Dieu défié par un mortel choisit de se taire pour nous laisser dans l’effroi de sa dernière absence. A moins, silence plus infini encore, qu’il n’ait jamais existé, et que le Ciel n’ait jamais été qu’un théâtre habité par les seuls rêves des humains eux-mêmes... C’est l’histoire que nous voulons raconter en jouant ces trois pièces.
Une pensée commune, des esthétiques multiples
Trois pièces de Molière pour trois metteurs en scène, dix-huit acteurs et une scénographie commune. Plus qu’une simple succession, Le Ciel, la nuit et la fête est un parcours, un pari de théâtre. L’ordre dans lequel les pièces sont représentées est une invitation à railler, affronter puis transcender notre condition désespérée de mortels. De la sensualité classique du Tartuffe au concert cathartique de Psyché, en passant par la noirceur contemporaine de Dom Juan, nos Molière proposent une odyssée théâtrale qui raconte, par ses ruptures esthétiques les bouleversements d’un monde toujours en mouvement.
Mais nous ne nous reconnaissons pas dans le topos d’un univers seulement éclaté, déconstruit, bouleversé. Le Ciel, la nuit et la fête propose le récit d’un désir fragile de réconciliation et d’unité : par la troupe d’acteurs, par la simplicité des moyens engagés et par le verbe d’un seul auteur, dont nous sommes tous, en tant que femmes et hommes de théâtre, les héritiers. C’est aussi de cet héritage, qui nous glace et nous réjouit dans un même moment, dont nous voulons nous emparer.