Note d'écriture Elsa Granat
« Je revendique la maternité des textes, pas leur paternité. J’écoute, je rassemble ce que je vois, ce que la vie me confie »
• Une expérience vécue
Depuis 2011, je souhaitais écrire à partir de mon expérience personnelle. J’ai accompagné ma mère dans sa lutte contre un cancer incurable. Au lendemain de sa mort, nous apprenions que mon père était lui aussi touché. Il était temps de trouver une autre façon de vivre avec cette maladie: l’intégrer à part entière et trouver des solutions pour transformer le sentiment d’impuissance.
Il s’agit d’être plus près pour moi de la façon dont j’ai ressenti ces événements. J’insiste sur le fait de travailler sur ce que j’ai ressenti et non pas sur ce qu’il s’est réellement passé. Ce qu’il s’est réellement passé, je n’en sais rien. Je n’ai que mon point de vue à ma disposition. Je ne savais plus quel âge j’avais véritablement, je pouvais pleurer comme une enfant et à la fois relativiser comme un sage indien, tout en profitant de chaque instant comme une adolescente.
Etrange sensation d’être partout à la fois: à la fin de sa vie et au commencement d’une nouvelle existence.
Je voulais aussi parvenir à comprendre le camp d’en face, celui de la médecine occidentale.
• L’écriture traversée crée un tissu serré entre réalité et fiction
Le texte se construit à partir des fragments d’une expérience vécue. Il rend compte des rapports de force, libère les non-dits et met en acte sur scène ce qui n’a pu être fait dans la réalité. Le théâtre vient dynamiter le réel et cherche à provoquer une expérience cathartique. L’assemblage des textes aboutit à un tissage de temps multiples.
Le temps à chaud à vif au moment où l'évènement se produit; le temps qui le suit, de rejet, de colère, de digestion;
le temps de la compréhension;
le temps où l'on y revient;
le temps du souvenir et des méandres de la mémoire;
le temps de recul où l’on imagine tout différemment.
Au cœur de ce chemin parcouru à l’envers, l’héroïne puise la force de la parole réconciliatrice qu’elle va prendre à la fin du spectacle.