Note d'intention de Métie Navajo

« Et puisque la nature est attaquée de telle manière qu'il nous est devenu impossible de la défendre, efforçons-nous de préserver nos subjectivités, nos visions, nos poétiques de l'existence. […] Développons nos forces à pouvoir toujours raconter une autre histoire, une histoire de plus et alors peut-être nous retarderons la fin du monde. »

Ailton Krenak, Idées pour retarder la fin du monde, éditions Dehors ; mai 2020

Pour initier l’écriture de la pièce du projet Comètes, à la suite de la proposition d’Aurélie Van Dan Daele directrice du théâtre de l’Union, il y a eu des temps de rencontres, d’échanges et de travail avec les étudiants de la promotion sortante de l’Académie de l’Union, dans le lieu où ils ont étudié ces dernières années : cette maison pleine d’histoires qui sont les leurs ou qui datent d’avant eux et dans lesquelles ils ont décidé, ou non, de rentrer. Leur environnement (proximité de la forêt, du fleuve, bourgade proche et lointaine à la fois) et que nous avons exploré, m’a assez vite donné envie de rentrer dans l’univers des contes. Nous avons lu ensemble des contes du Limousin qui ont servi de porte d’entrée à des histoires singulières : à travers l’écriture d’abord, puis l’improvisation, voir comment, une fois racontées, ces histoires se transforment, deviennent communes, et ne nous appartiennent plus en propre.  Nous nous sommes amusés à convoquer les fantômes, ceux du lieu et ceux que chacun.e porte avec lui, les récits de l’enfance, les récits d’autres terres ; d’autres points de vue ont émergé : d’autres témoins que les seuls humains prennent leur rôle dans l’histoire. C’est cette multiplicité de regards et de voix qui m’intéresse. L’univers des contes permet de convoquer toutes les voix vivantes qui font partie de notre monde, où se croisent et se mélangent figures humaines, animales, végétales, figures fantasmagoriques et créatures effrayantes.  La pièce se veut donc au croisement de ces récits portés par des jeunes gens d’aujourd’hui, bien campés sur le sol glissant de l’époque, et les histoires de tous temps, celles que les humains inventent depuis toujours pour tenter de répondre aux questions et aux énigmes que pose l’univers, et qui permettent aussi de remettre l’humain à sa place : un vivant parmi les autres. Il pourra y être question d’une chouette qui crie la nuit comme une femme qu’on égorge, des âmes migrantes d’arbres coupés, de fantômes qui marchent à côté de nous, à moins que ce ne soit nos ombres, dans une forêt aux bruits rassurants, et, pourquoi pas, d’une dame blanche qui a revêtu la peau d’un loup-garou pour un rendez-vous amoureux.